La culture du risque est un probl?me d?mocratique
Point de vue | LEMONDE.FR | 25.03.11 | 09h29
par Pierre Michel, Jean-Marie Nessi, Pierre Picard
Le th?me de la culture du risque conna?t un renouveau r?cent depuis la temp?te Xynthia et les inondations du Var de juin 2010. Loin de concerner les seules catastrophes naturelles, il rejoint de nombreux autres sujets d'actualit? : d?pendance, crise financi?re, risques sanitaires, etc. Le d?bat se d?roule sur un terrain instable. Non seulement, trait humain g?n?ral, les risques extr?mes sont g?n?ralement pass?s sous silence dans une soci?t? qui peine ? les objectiver, mais encore ils ?voluent sans cesse, accompagnant les dynamiques sociales, politiques, ?conomiques et technologiques. Comment, dans ces circonstances, envisager le d?veloppement de la culture du risque ?
Int?ressons-nous ici ? la dimension ?conomique de la question. Sous cet angle, l'enjeu est d'amener les acteurs concern?s ? quantifier leurs risques pour d?cider comment se prot?ger. Le d?ficit de culture du risque se traduit par l'absence de mesures de pr?vention efficaces, conduit ? la pr?valence de l'urgence sur l'anticipation et aboutit ? un co?t ?conomique sup?rieur pour la collectivit?.
D'embl?e, il para?t n?cessaire de mobiliser plusieurs grandes familles d'acteurs. En premier lieu, les personnes expos?es : particuliers, entreprises et collectivit?s. Ensuite, les op?rateurs ? l'origine des produits, ouvrages ou techniques qui conditionnent le niveau de risque. Troisi?mement, les assureurs. Enfin, les pouvoirs publics, en tant que r?gulateurs, mais aussi garants de la solidarit?.
En simplifiant ? peine, avan?ons que la culture du risque repose sur trois piliers : avoir conscience de son exposition (ou, plus exactement, de ce qui en est scientifiquement ?tabli ? un moment donn?), comprendre et assumer ses responsabilit?s, et articuler de mani?re efficace les interventions de tous. C'est ici qu'il faut op?rer une distinction entre les risques av?r?s et les risques ?mergents, car les r?les respectifs des agents ?conomiques diff?rent nettement selon le cas consid?r?.
Les risques av?r?s sont, par exemple, les catastrophes naturelles ou, dans un domaine bien diff?rent, les bulles financi?res. Chacun peut s'informer sur sa propre exposition au risque et la percevoir de mani?re "objective". Observables et mesurables, ces risques peuvent ?tre analys?s par des mod?les, ce qui permet d'envisager de mani?re concr?te des ?v?nements extr?mes possibles mais pas encore survenus (ou bien oubli?s). Les mod?les, malgr? leurs incertitudes, permettent d'?valuer le co?t et le b?n?fice des mesures de pr?vention et de divers m?canismes de couverture. C'est le domaine de l'actuariat et de l'assurance.
Pour autant, les pouvoirs publics ? Etat et collectivit?s locales ? occupent une place importante, puisqu'ils imposent ou encouragent, par diverses incitations, des mesures de pr?vention. Ils coordonnent l'intervention des parties prenantes. Ils peuvent r?guler le march? de l'assurance de ce type de risques. Enfin, ils mettent en ?uvre des m?canismes de solidarit? envers ceux qui peuvent difficilement ?chapper au risque.
Mais l'essentiel, en fin de compte, est que les acteurs concern?s disposent de l'information pour effectuer directement leurs propres arbitrages. Le r?le central des assureurs est de quantifier le co?t du risque, proposer des couvertures et faire ainsi entrer le risque dans le calcul ?conomique. Ce qui caract?rise le domaine des risques av?r?s, c'est pr?cis?ment la capacit? collective ? former un signal-prix de mani?re adapt?e ? la situation de chaque agent ?conomique, lui permettant ainsi d'agir sur son exposition, dans la limite des moyens ? sa disposition, et d'en anticiper les cons?quences.
Les risques ?mergents sont diff?rents. Il peut s'agir, par exemple, des OGM ou du changement climatique. Ici, contrairement au cas des risques connus, l'information est r?serv?e : seuls les experts savent caract?riser le risque de mani?re correcte (ce qui n'emp?che pas des "opinions" de s'exprimer dans le public, mais on sort alors souvent du cadre de la connaissance scientifique pour entrer dans celui de la croyance). On sait quelles mesures de pr?cautions ont de bonnes chances de fonctionner, mais sans ?tre s?r qu'elles soient strictement n?cessaires. Cette situation entra?ne une interaction ?troite, et pas toujours transparente, entre experts, lobbys et prise de d?cision collective. C'est le domaine du principe de pr?caution et de la l?gislation.
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Point de vue | LEMONDE.FR | 25.03.11 | 09h29
par Pierre Michel, Jean-Marie Nessi, Pierre Picard
Le th?me de la culture du risque conna?t un renouveau r?cent depuis la temp?te Xynthia et les inondations du Var de juin 2010. Loin de concerner les seules catastrophes naturelles, il rejoint de nombreux autres sujets d'actualit? : d?pendance, crise financi?re, risques sanitaires, etc. Le d?bat se d?roule sur un terrain instable. Non seulement, trait humain g?n?ral, les risques extr?mes sont g?n?ralement pass?s sous silence dans une soci?t? qui peine ? les objectiver, mais encore ils ?voluent sans cesse, accompagnant les dynamiques sociales, politiques, ?conomiques et technologiques. Comment, dans ces circonstances, envisager le d?veloppement de la culture du risque ?
Int?ressons-nous ici ? la dimension ?conomique de la question. Sous cet angle, l'enjeu est d'amener les acteurs concern?s ? quantifier leurs risques pour d?cider comment se prot?ger. Le d?ficit de culture du risque se traduit par l'absence de mesures de pr?vention efficaces, conduit ? la pr?valence de l'urgence sur l'anticipation et aboutit ? un co?t ?conomique sup?rieur pour la collectivit?.
D'embl?e, il para?t n?cessaire de mobiliser plusieurs grandes familles d'acteurs. En premier lieu, les personnes expos?es : particuliers, entreprises et collectivit?s. Ensuite, les op?rateurs ? l'origine des produits, ouvrages ou techniques qui conditionnent le niveau de risque. Troisi?mement, les assureurs. Enfin, les pouvoirs publics, en tant que r?gulateurs, mais aussi garants de la solidarit?.
En simplifiant ? peine, avan?ons que la culture du risque repose sur trois piliers : avoir conscience de son exposition (ou, plus exactement, de ce qui en est scientifiquement ?tabli ? un moment donn?), comprendre et assumer ses responsabilit?s, et articuler de mani?re efficace les interventions de tous. C'est ici qu'il faut op?rer une distinction entre les risques av?r?s et les risques ?mergents, car les r?les respectifs des agents ?conomiques diff?rent nettement selon le cas consid?r?.
Les risques av?r?s sont, par exemple, les catastrophes naturelles ou, dans un domaine bien diff?rent, les bulles financi?res. Chacun peut s'informer sur sa propre exposition au risque et la percevoir de mani?re "objective". Observables et mesurables, ces risques peuvent ?tre analys?s par des mod?les, ce qui permet d'envisager de mani?re concr?te des ?v?nements extr?mes possibles mais pas encore survenus (ou bien oubli?s). Les mod?les, malgr? leurs incertitudes, permettent d'?valuer le co?t et le b?n?fice des mesures de pr?vention et de divers m?canismes de couverture. C'est le domaine de l'actuariat et de l'assurance.
Pour autant, les pouvoirs publics ? Etat et collectivit?s locales ? occupent une place importante, puisqu'ils imposent ou encouragent, par diverses incitations, des mesures de pr?vention. Ils coordonnent l'intervention des parties prenantes. Ils peuvent r?guler le march? de l'assurance de ce type de risques. Enfin, ils mettent en ?uvre des m?canismes de solidarit? envers ceux qui peuvent difficilement ?chapper au risque.
Mais l'essentiel, en fin de compte, est que les acteurs concern?s disposent de l'information pour effectuer directement leurs propres arbitrages. Le r?le central des assureurs est de quantifier le co?t du risque, proposer des couvertures et faire ainsi entrer le risque dans le calcul ?conomique. Ce qui caract?rise le domaine des risques av?r?s, c'est pr?cis?ment la capacit? collective ? former un signal-prix de mani?re adapt?e ? la situation de chaque agent ?conomique, lui permettant ainsi d'agir sur son exposition, dans la limite des moyens ? sa disposition, et d'en anticiper les cons?quences.
Les risques ?mergents sont diff?rents. Il peut s'agir, par exemple, des OGM ou du changement climatique. Ici, contrairement au cas des risques connus, l'information est r?serv?e : seuls les experts savent caract?riser le risque de mani?re correcte (ce qui n'emp?che pas des "opinions" de s'exprimer dans le public, mais on sort alors souvent du cadre de la connaissance scientifique pour entrer dans celui de la croyance). On sait quelles mesures de pr?cautions ont de bonnes chances de fonctionner, mais sans ?tre s?r qu'elles soient strictement n?cessaires. Cette situation entra?ne une interaction ?troite, et pas toujours transparente, entre experts, lobbys et prise de d?cision collective. C'est le domaine du principe de pr?caution et de la l?gislation.
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