Enquête
Grèce : la grande dépression
| 22.06.11 | 15h26 • Mis à jour le 27.06.11 | 20h57
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Une mère, soucieuse pour son enfant : "Mon fils a 26 ans. Il est diplômé de l'université, et il essaie de trouver un emploi. Je m'inquiète pour lui. Cette recherche l'a beaucoup déçu. Il n'a pas trouvé de travail et ça a un impact négatif sur tous les aspects de sa vie. Il n'a pas de vie personnelle, et il ne sort pratiquement pas de la maison. Il m'a dit hier qu'il se considérait comme un raté. J'ai essayé de l'encourager en lui disant que beaucoup de jeunes sont confrontés aux mêmes problèmes à cause de la crise économique, mais je ne pense pas que ça l'aide. Oui, je suis vraiment inquiète pour lui."
Un retraité : "J'ai 68 ans et je ne me sens pas très bien en ce moment. J'ai peur de l'avenir. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je prendrai ma retraite en 2012, mais j'ai peur qu'à cause de la crise ce soit vraiment dur. Il y a des moments où ça me met en colère, mais le plus souvent je me sens sans espoir et sans secours. Je n'ai pas l'énergie que j'avais dans le passé. Un de mes amis me dit de demander de l'aide. Il pense que je suis déprimé."
SOS-Dépression a été mis en place en mai 2008 par l'Institut universitaire de recherche sur la santé mentale. La mise en place d'un programme baptisé Anti-stigma était destiné à encourager à parler des troubles mentaux, dans une société méditerranéenne, fortement marquée par l'emprise de l'Eglise orthodoxe, où il est mal vu d'aller chez le psy.
Il s'agit de consultations par téléphone, de conseils donnés à des gens qui n'osent pas franchir la porte d'un cabinet ou, de plus en plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. La ligne a enregistré plus de 6 000 appels. "La crise économique a augmenté le nombre de personnes qui appellent pour résoudre leurs problèmes dus au chômage et à l'incertitude du futur. 27 % des appels sont directement liés aux conséquences de la récession", explique Marina Economou, responsable de SOS-Dépression.
Les psychiatres évaluent entre 25 % à 30 % la hausse des consultations provoquées par la crise. "Il y a un afflux de demandes pour des cas de psychiatrie légère : angoisse aiguë, crise de panique, dépression, explique Dimitris Ploumidis, responsable d'un centre universitaire de santé mentale, dans le quartier de Kaisariani, à l'est d'Athènes, et aussi vice-président de l'Association des psychiatres de Grèce. En septembre 2010, il fallait deux semaines d'attente pour une consultation, aujourd'hui il faut deux mois et demi."
Dans une étude intitulée "Dépression et détresse économique en Grèce", publiée dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, de juillet 2010, Marina Economou et trois autres collègues constataient que "les personnes exposées à des conditions économiques défavorables ont plus de chances de développer des dépressions sérieuses". L'étude comparait 2 008 et 2009, alors que la récession s'est fortement aggravée en 2010.
"La crise, les difficultés économiques ravivent les peurs et les angoisses personnelles", explique Dimitris Ploumidis. Son collègue Stelios Stylianidis, professeur à l'université d'Athènes, qui consulte dans le public et le privé, fait le même constat : "Quand on ne peut pas investir dans son avenir, ce non-investissement psychique crée un état de détresse. La porte reste ouverte à l'émergence de troubles psychiatriques." Il a deux exemples précis des effets de la crise sur le psychisme, à chacun des bouts de l'échelle sociale.
C'est un peu la wonder woman et le clochard. Une femme de 47 ans était sous-directrice d'une société. Elle a été licenciée, au début de l'automne 2010, au moment où elle se sentait à l'apogée de sa carrière. "Tous ses liens sociaux ont été construits autour de son travail. Elle ne perd pas seulement son salaire, mais tout repère symbolique. C'est la destruction de son image et de son monde interne. Elle s'effondre", explique le docteur Stylianidis.
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Grèce : la grande dépression
| 22.06.11 | 15h26 • Mis à jour le 27.06.11 | 20h57
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Un employé de 38 ans : "Rien ne va bien, récemment. Le travail devient plutôt stressant. L'idée de le perdre me hante. Ne pensez pas que c'est juste une peur, c'est une réalité. Les gens perdent leur travail. Je n'ai plus confiance en moi, je suis tout le temps irritable, et mon sommeil est chaotique. Pour ma femme, c'est encore pire. Elle a un travail à temps partiel, et ils lui ont annoncé qu'elle devait partir à la fin du mois. A cause de la crise, comme ils disent. Quand nous sommes ensemble, j'essaye de ne pas lui montrer ce que je ressens. Je ne veux pas peser davantage sur elle. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis désespéré."Une mère, soucieuse pour son enfant : "Mon fils a 26 ans. Il est diplômé de l'université, et il essaie de trouver un emploi. Je m'inquiète pour lui. Cette recherche l'a beaucoup déçu. Il n'a pas trouvé de travail et ça a un impact négatif sur tous les aspects de sa vie. Il n'a pas de vie personnelle, et il ne sort pratiquement pas de la maison. Il m'a dit hier qu'il se considérait comme un raté. J'ai essayé de l'encourager en lui disant que beaucoup de jeunes sont confrontés aux mêmes problèmes à cause de la crise économique, mais je ne pense pas que ça l'aide. Oui, je suis vraiment inquiète pour lui."
Un retraité : "J'ai 68 ans et je ne me sens pas très bien en ce moment. J'ai peur de l'avenir. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je prendrai ma retraite en 2012, mais j'ai peur qu'à cause de la crise ce soit vraiment dur. Il y a des moments où ça me met en colère, mais le plus souvent je me sens sans espoir et sans secours. Je n'ai pas l'énergie que j'avais dans le passé. Un de mes amis me dit de demander de l'aide. Il pense que je suis déprimé."
SOS-Dépression a été mis en place en mai 2008 par l'Institut universitaire de recherche sur la santé mentale. La mise en place d'un programme baptisé Anti-stigma était destiné à encourager à parler des troubles mentaux, dans une société méditerranéenne, fortement marquée par l'emprise de l'Eglise orthodoxe, où il est mal vu d'aller chez le psy.
Il s'agit de consultations par téléphone, de conseils donnés à des gens qui n'osent pas franchir la porte d'un cabinet ou, de plus en plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. La ligne a enregistré plus de 6 000 appels. "La crise économique a augmenté le nombre de personnes qui appellent pour résoudre leurs problèmes dus au chômage et à l'incertitude du futur. 27 % des appels sont directement liés aux conséquences de la récession", explique Marina Economou, responsable de SOS-Dépression.
Les psychiatres évaluent entre 25 % à 30 % la hausse des consultations provoquées par la crise. "Il y a un afflux de demandes pour des cas de psychiatrie légère : angoisse aiguë, crise de panique, dépression, explique Dimitris Ploumidis, responsable d'un centre universitaire de santé mentale, dans le quartier de Kaisariani, à l'est d'Athènes, et aussi vice-président de l'Association des psychiatres de Grèce. En septembre 2010, il fallait deux semaines d'attente pour une consultation, aujourd'hui il faut deux mois et demi."
Dans une étude intitulée "Dépression et détresse économique en Grèce", publiée dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, de juillet 2010, Marina Economou et trois autres collègues constataient que "les personnes exposées à des conditions économiques défavorables ont plus de chances de développer des dépressions sérieuses". L'étude comparait 2 008 et 2009, alors que la récession s'est fortement aggravée en 2010.
"La crise, les difficultés économiques ravivent les peurs et les angoisses personnelles", explique Dimitris Ploumidis. Son collègue Stelios Stylianidis, professeur à l'université d'Athènes, qui consulte dans le public et le privé, fait le même constat : "Quand on ne peut pas investir dans son avenir, ce non-investissement psychique crée un état de détresse. La porte reste ouverte à l'émergence de troubles psychiatriques." Il a deux exemples précis des effets de la crise sur le psychisme, à chacun des bouts de l'échelle sociale.
C'est un peu la wonder woman et le clochard. Une femme de 47 ans était sous-directrice d'une société. Elle a été licenciée, au début de l'automne 2010, au moment où elle se sentait à l'apogée de sa carrière. "Tous ses liens sociaux ont été construits autour de son travail. Elle ne perd pas seulement son salaire, mais tout repère symbolique. C'est la destruction de son image et de son monde interne. Elle s'effondre", explique le docteur Stylianidis.
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