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Le SRAS, histoire d'un tueur en s?rie

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    Source: http://www.lemonde.fr/sciences-et-en...8884_3244.html

    Le SRAS, histoire d'un tueur en s?rie
    LE MONDE | 03.05.03 | 12h32 ? Mis ? jour le 02.05.08 | 14h07

    Curieuse histoire que celle du syndrome respiratoire aigu s?v?re (SRAS), digne d'un roman policier dont le titre pourrait ?tre "Sur la piste du virus serial killer".

    En ces temps de guerre, de terrorisme et d'incertitude, cette maladie infectieuse ?mergente a toutes les caract?ristiques pour susciter une peur plan?taire et un emballement m?diatique. Une simple toux, un simple ?ternuement suffiraient pour propager ce virus tr?s contemporain, symbole de la mondialisation. Il voyage par avion et prend pour cible les hommes d'affaires, les touristes et, par ricochet, le personnel soignant. Premi?re ?pid?mie mondiale du XXIe si?cle, l'histoire du SRAS ne se passe pas en Afrique, comme celle du virus Ebola, mais dans des pays d'Extr?me-Orient et d'Am?rique du Nord qui multiplient les ?changes.

    L'histoire de la pneumonie atypique est aussi celle d'un outil, Internet, devenu ? cette occasion quasi providentiel gr?ce ? l'interconnexion qu'il permet entre les syst?mes de sant? mondiaux. Les r?seaux du Web ont permis de transmettre les messages d'alerte ? une vitesse record. Les scientifiques ont ainsi pu ?changer leurs informations et suivre pas ? pas l'?pid?mie.

    Mais d'o? vient ce virus "exotique" qui, ? la date du 2 mai, avait touch? 6 061 personnes dans 27 pays et fait 416 morts ? Quelles pistes a-t-il emprunt?es ? L'?pid?miologie tient souvent du travail de d?tective, surtout dans le cas d'une maladie infectieuse. A la diff?rence des facteurs canc?rog?nes, la courte p?riode d'incubation, en l'occurrence une dizaine de jours entre le contact avec le coronavirus et l'apparition des signes cliniques, permet de retracer la propagation du SRAS qui a fait ses premiers pas en Chine, avant de partir ? Hongkong, Hano? au Vietnam puis de s'envoler pour Toronto au Canada et de s'?parpiller sur la plan?te. L'Organisation mondiale de la sant? (OMS), qui a men? l'enqu?te, continue d'appeler ? la vigilance.

    Episode 1 : le silence de la chine. Si l'alerte internationale a ?t? lanc?e le 12 mars, l'OMS sentait poindre une nouvelle menace depuis novembre 2002. "Nous sommes partis d'une rumeur", se souvient Gu?na?l Rodier, directeur du d?partement des maladies transmissibles, surveillance et action de l'OMS.

    Tout commence par une histoire de grippe d'allure banale. Le 27 novembre, le Global Public Health Intelligence Network (GPHIN, R?seau global de renseignement sur la sant? publique) d?tecte le d?but d'une ?pid?mie en Chine. Un rapport chinois demande aux garderies, aux ?coles et aux usines de mettre en quarantaine les personnes infect?es. "C'?tait l'hiver, ce type de probl?me respiratoire, l?-bas, ? cette p?riode de l'ann?e, n'?tait pas paniquant", raconte M. Rodier. Pourtant, l'inqui?tude pointe. La flamb?e de "grippe" de novembre va exploser au fil des mois.

    D?but f?vrier, le fils d'un ancien membre de l'OMS s?journe ? Canton, capitale de la province du Guangdong. Il re?oit un courriel d?crivant une "maladie contagieuse ?trange" qui a "d?j? fait plus de cent morts" dans la province du Guangdong, en l'espace d'une semaine. Le message est transmis au bureau p?kinois de l'OMS, avec, en note : "L'?pid?mie ne doit pas ?tre connue du public et m?diatis?e, mais, sur place, il y a un d?but de panique chez les gens qui se ruent dans les pharmacies pour acheter tout ce qu'ils peuvent, pensant se prot?ger."

    Le 10 f?vrier, le bureau p?kinois de l'OMS re?oit un coup de t?l?phone de l'ambassade des Etats-Unis qui signale une information, communiqu?e par un citoyen am?ricain, ? propos d'une "?trange maladie et beaucoup de morts ? Canton". Ces rumeurs sont transmises au bureau r?gional du Pacifique occidental de l'OMS, ? Manille (Philippines) et au si?ge de l'Organisation ? Gen?ve (Suisse). Le m?me jour, le consulat du Japon de Guangdong rapporte une ?pid?mie de pneumonie atypique observ?e dans le sud de la Chine. Le lendemain, l'OMS re?oit un rapport du minist?re chinois de la sant? qui fait ?tat d'une irruption de syndrome respiratoire aigu avec 300 cas et 5 morts dans la province de Guangdong entre le 16 novembre et le 9 f?vrier. Le personnel m?dical repr?sente un tiers des malades. Le voile se l?ve doucement sur le secret bien gard? par les autorit?s chinoises. Six municipalit?s sont touch?es, dont Foshan consid?r?e depuis par l'OMS comme le berceau pr?sum? de l'?pid?mie.

    L'OMS est parvenue ? reconstituer le prologue de l'histoire. La premi?re ?tape de ce thriller biologique se joue donc ? Foshan, ville industrielle de 3,2 millions d'habitants, situ?e ? vingt-cinq kilom?tres au sud de Canton. C'est l? que le premier patient connu de la pneumonie atypique, le "cas z?ro", a ?t? signal?. Tout serait parti d'un "homme d'affaires qui fournissait des restaurants en poissons et qui a beaucoup voyag?", selon l'OMS. Il est devenu, sans le savoir, "une arme biologique ambulante". Le 16 novembre 2002, cet homme ?g? de 40 ans souffre d'un acc?s persistant de fi?vre. Quelques jours plus tard, il tousse. Hospitalis? sur place, il contamine quatre infirmi?res, avant de gu?rir de son affection. Aucun de ses quatre enfants n'a ?t? infect?. Un autre homme, vendeur de crevettes, contracte la maladie ? Foshan et va la diss?miner ? Canton.

    En f?vrier, les officiels chinois assurent que le nombre de cas diminue, mais signalent qu'il ne s'agit pas du virus de la grippe. Le 14 f?vrier, le minist?re chinois de la sant? informe l'OMS que les signes cliniques de la maladie correspondent ? une pneumonie atypique. Il estime que la situation est "en passe d'?tre contr?l?e". Les investigations excluent, selon les autorit?s chinoises, l'anthrax, la peste pulmonaire, la leptospirose et la fi?vre h?morragique. La Chine annoncera ensuite avoir retrouv? chez les malades une bact?rie, de type chlamydia. Le 11 f?vrier, l'OMS avait diffus? un premier message d'alerte via le r?seau ProMED sur une maladie respiratoire encore myst?rieuse mais potentiellement mortelle. Comptant vingt mille abonn?s gratuits, ce dispositif international permet de r?percuter au plus vite l'apparition de maladies ?mergentes.

    LE d?partement de la sant? publique de Toronto compte parmi les destinataires de l'alerte. La population de la capitale de l'Ontario compte une tr?s importante communaut? asiatique : le Chinatown de Toronto est le deuxi?me par sa densit? apr?s celui de New York. L'information est diffus?e aux h?pitaux. Les sp?cialistes des maladies infectieuses abonn?s ? ProMED, comme le docteur Donald E. Low, chef du service de microbiologie de l'h?pital Mount Sinai et professeur ? l'universit? de Toronto, sont d?j? au courant et ne prennent pas l'alerte ? la l?g?re.

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    "R?trospectivement, c'est vrai qu'il y a eu un "gap" entre novembre et f?vrier, on ne savait rien sur la flamb?e", t?moigne Tom Grein, ?pid?miologiste, chef de projet ? l'OMS pour les op?rations d'alerte et d'action. "Il a fallu du temps pour prouver que notre conviction ?tait juste : des liens existaient entre ce qui se passait dans la province de Guangdong en Chine et ce qui allait se passer ? Hongkong et Hano?", compl?te le docteur Rodier.

    Episode 2 : Hongkong, h?tel M?tropole, neuvi?me ?tage.

    Le 21 f?vrier, l'histoire s'emballe. Ce jour-l?, le docteur Liu Jianlun, un n?phrologue de l'universit? Zhongshan de Canton, ?g? de 64 ans, arrive ? Hongkong pour un mariage. Auparavant, il a pr?t? main-forte ? ses confr?res de l'h?pital Kwong Wah de Canton pour soigner les premiers malades de ce que l'OMS baptisera le SRAS. Personne n'a encore compris la nature de la maladie. Preuve en est qu'aucune mise en quarantaine n'est effectu?e. Le docteur Liu embarque donc avec sa femme dans le bus qui, en trois heures, les m?nera ? Hongkong. L?, ils descendent ? l'h?tel M?tropole, dans le quartier de Kowloon, un vaste ?tablissement trois ?toiles dont le slogan vante "une vue ? couper le souffle" sur la ville. Ils occupent la chambre 911 au neuvi?me ?tage. Le docteur Liu d?veloppe des sympt?mes respiratoires, mais il se sent suffisamment en forme pour aller faire des courses avec son beau-fr?re, r?sident hongkongais. D?s le lendemain, son ?tat de sant? se d?grade. Dans le hall de l'h?tel, le docteur Liu se sent mal. Pr?s des ascenseurs, frissonnant, il marque un temps d'arr?t, secou? par des quintes de toux. Des clients de l'h?tel, originaires de Singapour, le soutiennent et l'aident ? monter dans l'ascenseur pour regagner sa chambre.

    Apr?s son malaise, le docteur Liu se rend ? l'h?pital Kwong Wah, o? il est transf?r? dans le service des soins intensifs. Il pr?vient le personnel m?dical qu'il craint d'avoir attrap? "une maladie tr?s virulente", une mise en garde dont il ne semble pas avoir ?t? fait grand cas. Les soignants ne portent encore ni masque ni gants, et vont ?tre infect?s. Le docteur Liu mourra le 4 mars. L'histoire va montrer que cet homme - qui, sans le savoir, a contamin? au moins douze personnes de diff?rentes nationalit?s ? l'h?tel M?tropole - est le "deuxi?me cas z?ro" mondial, et Hongkong, le deuxi?me foyer de propagation apr?s Foshan. Pendant ce temps, les experts de l'OMS arrivent ? P?kin, mais ne sont pas autoris?s ? aller dans la province de Canton. Une interdiction qui va faire perdre de pr?cieux jours dans la lutte contre la maladie.

    D'autres clients de l'h?tel M?tropole, plaque tournante dans cette histoire, croisent la route du docteur Liu et vont, en retournant dans leur pays, donner une dimension internationale ? cette ?pid?mie chinoise. C'est en toussant de mani?re r?p?t?e en attendant l'ascenseur sur le palier du neuvi?me ?tage que le docteur Liu aurait contamin? ses voisins. Le 24 f?vrier, un habitant de Hongkong, ?g? de 26 ans, d?veloppe des sympt?mes respiratoires mais ne s'inqui?te pas. Il aurait d?, car, au cours de la p?riode du 15 au 23 f?vrier, il a rendu visite ? une connaissance qui s?journait, elle aussi, au... neuvi?me ?tage du M?tropole. De son c?t?, le GPHIN d?couvre un rapport ?voquant 50 personnes travaillant dans un h?pital de Canton qui seraient atteintes par la "myst?rieuse pneumonie".

    Quelques jours plus tard, le 26 f?vrier, Johnny Chen, un businessman sino-am?ricain ?g? de 48 ans, qui travaille dans une entreprise d'import-export de textile ? Hongkong, est admis ? l'H?pital fran?ais d'Hano?. Il est fi?vreux, tousse et doit ?tre plac? sous assistance respiratoire. C'est un homme qui a beaucoup voyag? : il ?tait en janvier ? Shangha?, en f?vrier dans la province de Canton et ? Macao puis est retourn? ? Hongkong o? lui aussi a rendu visite ? une connaissance qui s?journait... au neuvi?me ?tage du M?tropole. L'homme d'affaires est soign? par un membre de l'OMS bas? au Vietnam, le docteur Carlo Urbani. Tr?s vite, ce m?decin s'inqui?te et pense d'abord ?tre face ? un cas de grippe aviaire. Il pr?vient l'OMS qui renforce son syst?me d'alerte.

    Entre le 1er et le 4 mars, les effets de la contagion ? l'h?tel M?tropole s'amplifient. Le beau-fr?re du docteur Liu est hospitalis? ? Hongkong. Une h?tesse de l'air ?g?e de 26 ans est admise dans un h?pital de Singapour, avec les signes du SRAS. Entre le 21 et le 25 f?vrier, elle ?tait pass?e par... le neuvi?me ?tage du M?tropole. Et le Hongkongais de 26 ans qui avait juste rendu visite ? quelqu'un dans cet h?tel entre ? l'h?pital Prince of Wales de Hongkong. Le 5 mars est une journ?e noire : sept personnes qui ont soign? Johnny Chen ? l'H?pital fran?ais de Hano? sont contamin?es par le SRAS et en mourront, comme l'homme d'affaires. Partout, le tribut pay? par le personnel hospitalier s'alourdit de jour en jour. Face ? un syndrome de plus en plus inqui?tant, les autorit?s chinoises commencent enfin ? bouger. Le 10 mars, elles demandent l'aide de l'OMS pour tenter de d?couvrir les causes de l'?pid?mie.

    Episode 3 : l'alerte mondiale. Le 12 mars, l'OMS lance une alerte internationale sur "une forme grave et atypique de pneumonie au Vietnam, ? Hongkong et dans la province de Canton". Dick Thompson, du d?partement des maladies transmissibles ? l'OMS, se souvient bien de cette p?riode : "Quelques jours avant l'alerte, nous ?tions en contact avec nos coll?gues de Hano?. C'?tait effrayant d'entendre ce qui se passait."

    L'OMS mobilise d?s lors ? travers le monde des ?quipes de cliniciens, d'?pid?miologistes et un r?seau de treize laboratoires. Elle lance des recommandations pour la surveillance des transits dans les a?roports et la protection des personnels hospitaliers. "Il fallait faire comprendre qu'il suffisait d'une personne infect?e ? Hongkong pour cr?er un gros probl?me ? Toronto", r?sume M. Thompson.

    Dans les m?dias internationaux, la maladie devient le deuxi?me titre apr?s la guerre en Irak. Le spectre d'une ?pid?mie mondiale s'amplifie. L'OMS va, quotidiennement, livrer le nombre de cas, de morts et de pays concern?s par cette nouvelle maladie. La liste s'allonge inexorablement. Les passagers des vols en provenance de l'Asie sont mis sous surveillance et les mises en quarantaine se multiplient.

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    Le 15 mars, l'OMS donne un nom facilement m?morisable ? cette maladie : le SRAS ou SARS en anglais, quatre lettres qui vont envahir le Web et les d?p?ches des agences de presse. Il appara?t que le syndrome se propage par des contacts tr?s proches et probablement par des gouttelettes de salive apr?s un ?ternuement ou une toux.

    Le 29 mars, le docteur Urbani, le premier responsable de l'OMS ? avoir identifi? l'apparition du SRAS ? Hano?, meurt de cette maladie. Le lendemain, les autorit?s de Hongkong annoncent que 213 cas sont survenus parmi les habitants des Jardins d'Amoy, un vaste ensemble d'immeubles de grande hauteur. Sur ces 213 cas, 107 r?sident dans des appartements situ?s au-dessus du dixi?me ?tage sur le m?me angle de la tour E. Les hypoth?ses se multiplient.

    Parmi elles, celle d'une personne ext?rieure ? la r?sidence et pr?sentant des signes de SRAS qui aurait rendu visite ? un habitant des Jardins d'Amoy. Atteint de diarrh?e, il aurait utilis? les toilettes. Un probl?me de canalisation pourrait ?tre ? l'origine d'une contamination via ses excr?ments. Les habitants sont plac?s en quarantaine et les b?timents ?vacu?s.

    Le 2 avril, pour la premi?re fois de son histoire, l'OMS ?met un avis de restriction de voyage et recommande de ne pas se rendre ? Hongkong et dans la province de Canton. Deux semaines plus tard, le 16 avril, le r?seau de laboratoires travaillant sous l'?gide de l'OMS confirme qu'"un nouvel agent pathog?ne, un coronavirus encore jamais observ? chez l'homme", est ? l'origine du SRAS. L'OMS accuse ouvertement le gouvernement chinois de minimiser l'?pid?mie de pneumonie atypique. Son attitude de dissimulation a compliqu? le travail des experts charg?s de remonter les cha?nes de transmission de la maladie et, surtout, a favoris? la propagation de la maladie.

    Episode 4 : pendant ce temps, au Canada...

    Parmi les clients s?journant ? l'h?tel M?tropole de Hongkong en m?me temps que le docteur Liu se trouvaient plusieurs touristes canadiens : un couple de septuag?naires de Scarborough, dans la banlieue de Toronto, venus rendre visite ? de la famille, et trois hommes d'affaires de Toronto, Vaughan (dans l'agglom?ration torontoise) et Vancouver. Ils vont ensuite s'?gailler. L'homme d'affaires de Vancouver continuera son voyage en Asie. Celui de Vaughan fera de m?me. Tous deux ont ?t? contamin?s et ne le sauront qu'? leur retour au Canada.

    Ag? de 72 ans, l'homme d'affaires de Toronto, venu lui aussi ? Hongkong, le 13 f?vrier, pour une r?union de famille va ?tre le premier ? tomber malade. Il n'y a eu qu'une journ?e o? son s?jour au M?tropole a co?ncid? avec celui du docteur Liu, leurs chambres ?tant situ?es au m?me ?tage. Aucun contact direct ne semble avoir exist? entre les deux hommes et le Sino-Canadien ne se souvient pas s'il a rencontr? le docteur Liu dans les parties communes de l'h?tel. Il sera hospitalis? sur place, dans le m?me ?tablissement.

    A l'h?pital, en plus de sa pathologie pulmonaire, il souffre de diarrh?e. Trois infirmi?res du service o? il se trouve ont ?t? en contact avec lui sans qu'elles se soient prot?g?es. Elles vont contracter la maladie. Il en ira de m?me pour le neveu de ce malade, un homme ?g? de 50 ans, qui lui a rendu bri?vement visite une premi?re fois au M?tropole, puis deux fois ? l'h?pital. Enfin, un patient de 56 ans, op?r? pour un cancer r?nal et ayant pass? cinq jours dans la m?me unit? que l'homme d'affaires de Toronto, bien qu'un lit les s?pare, va ?galement pr?senter un SRAS.

    Le 23 f?vrier, le docteur Donald Low, chef du service de microbiologie au prestigieux Mount Sinai Hospital de Toronto, quitte Hongkong par le vol d'Air Canada. Il a pass? une nuit ? l'h?tel Marco Polo, situ? ? deux kilom?tres du M?tropole. Sur place, il a lu dans un journal anglophone un article sur la mort dans une zone rurale du sud de la Chine de deux personnes des suites d'une pneumonie probablement contract?e au contact d'animaux de ferme. Donald Low n'a pu s'emp?cher de dire ? l'un de ses fils qui l'accompagnait : "Ils ont un probl?me l?-bas." Il ne savait pas que dans un autre avion que le sien, le m?me jour, l'agent du SRAS ?tait en route pour Toronto.

    C'est par l'interm?diaire involontaire de Mme Kwan Sui-Chu, 78 ans, que l'agent de la pneumonie atypique va p?n?trer sur le sol canadien. C'est ? ce titre qu'elle est consid?r?e comme le "cas index" de l'?pid?mie ? Toronto. Cette r?sidente de Scarborough et son mari, ?g? de 79 ans, sont venus ? Hongkong pour y voir leur fils. Comme le docteur Liu, ils s?journent au neuvi?me ?tage du M?tropole, du 18 au 21 f?vrier. Mme Kwan et son mari rentrent ? Toronto le 23 f?vrier par un vol de la compagnie Continental et retrouvent leur domicile qu'ils partagent avec deux autres de leurs fils, leur belle-fille et leur petit-fils ?g? de cinq mois.

    Deux jours apr?s son retour, Mme Kwan, qui est atteinte d'un diab?te non insulinod?pendant et d'une maladie coronarienne, commence ? avoir de la fi?vre, des douleurs musculaires, un mal de gorge et une toux s?che. Elle consulte son m?decin de famille le 28 f?vrier. Il ne note aucune anomalie clinique en dehors d'une gorge rouge et la renvoie chez elle avec une ordonnance d'antibiotiques. Quarante-huit heures passent au cours desquelles la toux de Mme Kwan s'aggrave et des difficult?s respiratoires s'installent. Le 5 mars, neuf jours apr?s l'apparition des premiers sympt?mes, Mme Kwan meurt ? son domicile apr?s avoir sombr? dans le coma. La famille appelle le 911, le num?ro des urgences au Canada. Des ambulanciers, un policier et un magistrat, Mark Schaffer, se d?placent. La famille refuse l'autopsie et le corps de Mme Kwan est transport? dans un fun?rarium. Sur la base des indications des proches de la d?funte, qui signalent la r?cente "grippe" et les ant?c?dents m?dicaux de Mme Kwan, Mark Schaffer consigne "mort par crise cardiaque" dans le dossier.

    Le 27 f?vrier, deux jours apr?s l'apparition des premiers sympt?mes chez sa m?re, le fils de Mme Kwan, Tse Chi Kwai, ?g? de 43 ans, a de la fi?vre et des sueurs. La fi?vre va dispara?tre au bout de cinq jours, mais les autres signes cliniques de la maladie surviennent. Il consulte son m?decin. Une radio pulmonaire montre une atteinte de deux des lobes du poumon droit qui entra?ne sa mise sous antibiotiques. Plus tard dans la journ?e, M. Tse conduit son ?pouse, ? son tour malade, chez un autre m?decin, Ada Ying Tak Lo.

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    L'?tat de M. Tse ne s'am?liore pas. Il se rend ? l'h?pital de Scarborough. M. Tse a une fi?vre ? 39,8?C et n'oxyg?ne pas bien son sang. La radio montre des l?sions dans les deux poumons. Il est hospitalis? pour une suspicion de tuberculose. Il re?oit une antibioth?rapie ? large spectre et des antituberculeux. Il est ventil? au masque. Le lendemain, l'intubation devient n?cessaire.

    L'un des m?decins du Scarborough Grace Hospital appelle sa cons?ur Allison McGeer, qui travaille dans le service microbiologie dirig? par Donald Low pour discuter de ce cas. Le docteur McGeer a ?t? inform?e de l'?pid?mie en Chine par le r?seau ProMED, mais elle ne sait rien de la situation ? Hongkong.

    D?S le 8 mars, du fait des risques de tuberculose, le reste de la famille ayant ?t? en contact avec Mme Kwan et son fils est examin? au Mount Sinai Hospital. Les cinq adultes et les trois enfants ont eu de la fi?vre et des sympt?mes respiratoires. En dehors du gendre de Mme Kwan et de ses trois petits-enfants qui ne montreront plus d'autres signes d'infection, tous ont des anomalies radiologiques.

    Le 13 mars, six jours apr?s son admission, M. Tse meurt. Les examens de routine pratiqu?s pour identifier la cause du d?c?s se r?v?lent n?gatifs. L'autopsie montre des l?sions diffuses des alv?oles pulmonaires correspondant aux manifestations d'un syndrome de d?tresse respiratoire aigu?. Il existe aussi des signes en faveur d'une possible infection virale. "Nous avons cherch? tous les agents infectieux possibles, m?me les moutons ? cinq pattes", se souvient Allison McGeer. Des pr?l?vements sont envoy?s dans un laboratoire canadien, ? Winnipeg, et au Centre de contr?le et de pr?vention des maladies (CDC), ? Atlanta (Etats-Unis). C'est dans ces tissus que le CDC identifiera le coronavirus d'un type nouveau, suspect? d'?tre impliqu? dans le SRAS.

    Le 13 mars, au lendemain de l'alerte mondiale de l'OMS, le docteur McGeer commence les discussions avec les autorit?s sanitaires de Toronto. Elle apprend bient?t que, ce m?me jour, un patient s'est pr?sent? au General Hospital de Vancouver, en Colombie-Britannique, sur la C?te ouest du Canada avec des sympt?mes ?voquant une grippe. Il s'agit de l'homme d'affaires, originaire de la ville, qui a s?journ? au M?tropole. Une heure apr?s son arriv?e ? l'h?pital, le malade est pourvu d'un masque et mis ? l'isolement. Aucun soignant ne sera contamin? ? Vancouver, et ce cas restera le seul de la ville.

    Avec le retour de touristes trois semaines avant l'alerte mondiale de l'OMS, Toronto a jou? de malchance, le hasard a favoris? Vancouver. En effet, le 20 f?vrier, le Centre de contr?le des maladies de Colombie- Britannique avait avis? toutes les structures sanitaires de la province d'un risque d'?pid?mie de grippe aviaire et recommand? de se tenir pr?tes face ? toute maladie pouvant y ressembler.

    A Toronto, sur l'insistance du docteur McGeer, c'est le branle-bas de combat en ce jeudi 13 mars. L'alerte est donn?e au r?seau de surveillance de la grippe. Le lendemain, les noms des premiers morts sont rendus publics afin que toutes les personnes ayant ?t? en contact avec eux puissent se signaler. C'est ainsi qu'Ada Ying Tak Lo, qui a examin? la femme de M. Tse Chi Kwai, contacte les autorit?s. Elle aussi a ?t? infect?e. C'est le premier cas survenu ? l'ext?rieur de la famille de Mme Kwan. Le docteur McGeer envoie un courriel ? son patron, le docteur Low, qui fait du ski ? Banff : "TELEPHONE !", a-t-elle ?crit en capitales. Il rentre imm?diatement ? Toronto.

    La semaine commence avec une tr?s mauvaise nouvelle : un soignant de l'h?pital de Scarborough est infect?. Le vendredi 21 mars, trois cas sont signal?s parmi le personnel m?dical et, ? la fin du week-end, ce nombre a grimp? ? 38. "C'est ? ce moment que nous nous sommes dit qu'une merde ?tait tomb?e dans le ventilateur", r?sume de mani?re tr?s imag?e le docteur Donald Low. Le 26 mars, les autorit?s sanitaires de Toronto d?clarent une urgence sanitaire. Dans la nuit, Don Low et Allison McGeer r?digent avec un groupe de coll?gues les proc?dures ? mettre en place dans les h?pitaux de la ville.

    Le 30 mars, Allison McGeer ?prouve les premiers sympt?mes du SRAS. Elle sera hospitalis?e et observera une quarantaine jusqu'au 27 mars, avant de retourner sur le front de la lutte contre l'?pid?mie. "A Toronto, 50 % ? 60 % des cas de SRAS sont des membres du personnel soignant", rappelle le docteur Low, qui a subi huit jours de quarantaine pr?ventive. Avec 147 cas et 23 morts, le Canada est le pays non asiatique le plus touch?.

    Epilogue. Le SRAS a pris pied sur tous les continents. A l'exception de la Chine, qui concentre pr?s des deux tiers des cas mondiaux, dont Hongkong, plus du quart, le pic semble pass? et l'?pid?mie en voie d'?tre contr?l?e. L'OMS met cependant en garde contre tout rel?chement de la vigilance. D'autant que des inconnues demeurent sur l'agent responsable (une co-infection par un autre virus n'est pas ?cart?e) et que l'on ne dispose ni d'un test diagnostique performant ni d'un traitement ayant fait ses preuves, et encore moins d'un vaccin. D'autant que le SRAS pourrait se transformer en maladie saisonni?re.

    Selon le magazine Time, le co?t mondial de l'?pid?mie s'?l?verait ? 30 milliards de dollars. Cependant, avec un peu plus de 400 morts en cinq mois, le SRAS appara?t beaucoup moins terrifiant que le sida, le paludisme ou la tuberculose, trois maladies qui, r?unies, font de six millions ? sept millions de morts par an dans le tiers- monde. Mais c'est pr?cis?ment la crainte de voir un nouveau fl?au s'abattre sur les pays les plus pauvres qui justifie aux yeux de l'OMS tous les efforts pour juguler cette ?pid?mie.

    Paul Benkimoun et Sandrine Blanchard
    Article paru dans l'?dition du 04.05.03.


    Paul Benkimoun et Sandrine Blanchard
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